20-12-2025 11:11 - En Mauritanie, des milliers de migrants piégés après le durcissement des contrôles lié à l’accord avec l’UE
ENTREVUE - Des migrants originaires d’Afrique de l’Ouest se retrouvent bloqués en Mauritanie après un net durcissement des mesures de répression contre l’immigration irrégulière, consécutif à un accord conclu avec l’Union européenne. Cet accord de partenariat, signé en 2024, vise à freiner les départs vers l’Europe depuis la côte atlantique ouest-africaine, mais il a profondément modifié la situation sur le terrain.
À Nouakchott et dans d’autres villes du pays, de nombreux migrants expliquent être coincés, incapables de poursuivre leur route vers l’Europe comme ils l’avaient envisagé, mais aussi dans l’impossibilité de rentrer chez eux.
Les contrôles policiers se sont intensifiés, notamment dans les zones côtières comme Nouadhibou, un point de départ traditionnel vers les îles Canaries, désormais étroitement surveillé.
Des organisations de défense des droits humains alertent sur les conséquences de cette politique. Elles font état d’arrestations arbitraires et d’expulsions menées sans procédure régulière, parfois vers des pays voisins, sans que les personnes concernées puissent faire valoir leurs droits. Selon ces ONG, la pression exercée pour obtenir des résultats rapides en matière de lutte contre l’immigration se fait au détriment des garanties juridiques fondamentales.
L’Union européenne soutient financièrement cette coopération. Bruxelles a promis environ 210 millions d’euros à la Mauritanie pour renforcer la gestion des migrations, améliorer le contrôle des frontières et lutter contre les réseaux de passeurs. Les autorités européennes défendent cet accord comme un moyen de sauver des vies en limitant les traversées dangereuses vers l’Europe.
Sur le terrain, la réalité apparaît plus complexe. De nombreux migrants, contraints de rester plus longtemps que prévu en Mauritanie, survivent grâce à des emplois précaires dans le bâtiment, l’agriculture ou des ateliers informels. Certains disent redouter une aggravation de la pauvreté et des tensions sociales, dans un pays déjà confronté à ses propres défis économiques.
Le gouvernement mauritanien affirme agir dans le cadre de la loi et rejette les accusations d’abus. Il souligne que la coopération avec l’UE s’inscrit dans une stratégie plus large de lutte contre l’immigration irrégulière et le trafic d’êtres humains. Mais pour les migrants bloqués, l’accord a surtout transformé la Mauritanie en impasse, illustrant les effets collatéraux des politiques européennes de contrôle des frontières au-delà de leur territoire.
